Dossier spécial Télétravail


Le médecin du travail peut-il imposer le télétravail en raison de l’état de santé d’un salarié ?

Le médecin du travail peut proposer, par écrit et après échange avec le salarié et l’employeur, des mesures individuelles d’amé-nagement, d’adaptation ou de transformation du poste de travail d’un salarié ou des mesures d’aménagement du temps de travail justifiées par des considérations relatives notamment à l’âge ou à l’état de santé physique et mental du travailleur et l’employeur est tenu de prendre en compte ces propositions. En cas de refus, l’employeur doit faire connaître par écrit au travailleur et au médecin du travail les motifs qui s’opposent à ce qu’il y soit donné suite (C. trav. art. L 4624-3 et L 4624-6). Le cas le plus fréquent d’application de ces règles concerne le reclassement du salarié déclaré inapte par le médecin du travail.

Selon la Cour de cassation, la prise en compte des mesures individuelles proposées par le médecin du travail s’impose à l’em-ployeur en application de son obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des salariés de l’entreprise (Cass. soc. 19-12-2007 no 06-43.918 F-PB : RJS 3/08 no 295). En conséquence, l’employeur qui tarde à appliquer les préconisations médicales ou qui ne les applique pas manque à ses obligations.
Elle a ainsi jugé que l’employeur qui ne justifie d’aucune démarche, telle que préconisée par le médecin du travail, pour favoriser un aménagement de l’emploi d’une salariée dans le cadre d’un travail à domicile manque à son obligation de reclassement (Cass. soc. 15-1-2014 no 11-28.898 F-D).

Dans le même sens, la cour d’appel de Poitiers a jugé très récemment que le licenciement d’un salarié pour inaptitude physique et impossibilité de reclassement est sans cause réelle et sérieuse si l’employeur ne démontre pas avoir effectué une recherche sérieuse d’aménagement de poste dans le respect des préconisations médicales.
En l’espèce,le médecin du travail avait préconisé le reclassement sur un poste aménagé à temps très partiel, en télétravail, ne comportant aucune nécessité de participer à des réunions ou de se déplacer dans les locaux professionnels. Il a été considéré que l’employeur ne peut pas arguer que la mise en place du télétravail était impossible en se réfugiant derrière le fait qu’un accord national était en cours de négociation et non finalisé, alors, d’une part, que l’absence de protocole en vigueur n’interdit pas de rechercher des solutions originales adaptées à la situation spécifique d’un salarié et que, d’autre part, le protocole ultérieurement adopté, s’il envisageait la possibilité d’un télétravail sur deux jours maximum, prévoyait également des dérogations pour les salariés en situation de handicap, sur préconisation du médecin du travail et en impliquant les représentants du personnel. L’employeur ne peut pas non plus refuser le reclassement au motif que le salarié n’avait pas les compétences techniques et notamment informatiques pour télétravailler, sans apporter le moindre élément probant à cet égard. Il en est de même de ses allégations quant à la « sécurité managériale et informatique », celui-ci ne justifiant pas d’une impossibilité technique d’un télétravail sécurisé. Sur ces deux derniers points, la cour d’appel a rappelé que l’employeur avait la possibilité de solliciter l’aide de l’Agefiph, ce qu’il n’avait pas fait (CA Poitiers 9-7-2020 no 18/00813).