Dossier spécial Licenciement


Panorama : exemples de licenciements pour motif personnel

Nous vous proposons un extrait de notre tableau d'exemples, classés par thèmes, de motifs personnels de licenciement invoqués par les employeurs, avec l'indication pour chacun d'eux de la qualification retenue par les juges dans des décisions rendues de fin 2019 à fin 2020.

Lorsque le licenciement est justifié par un motif tenant à la personne du salarié, il appartient au juge, en cas de litige, de qualifier ce motif et d'en apprécier la légitimité. La rupture du contrat de travail emporte en effet des conséquences différentes selon qu'elle est motivée par une faute grave, une faute lourde ou une simple cause réelle et sérieuse.La matière génère une jurisprudence abondante au sein de laquelle nous avons sélectionné quelques décisions parmi les plus récentes, que nous avons classées par thème.

Les exemples donnés ci-après n'ont qu'une portée relative dans la mesure où, si les juges du fond peuvent estimer que la faute invoquée n'est pas d'une gravité suffisante pour justifier un licenciement immédiat, ils ne peuvent pas, à l'inverse, qualifier d'office de faute grave des faits considérés par l'employeur comme une simple cause réelle et sérieuse. Rappelons en outre que la Cour de cassation n'exerce, en principe, qu'un contrôle restreint sur l'existence d'une cause réelle et sérieuse, se limitant à la motivation des décisions des juges du fond (en ce sens : Cass. soc. 12-3-2014 n° 13-11.696 FS-D ; Cass. soc. 25-10-2017 n° 16-11.173 F-PB).

Motif invoqué Absence de CRS CRS Faute grave Faute lourde
Fraude – malversations – vols – corruption
Fait pour un salarié de majorer frauduleusement ses notes de frais de manière régulière avec la complicité d’un autre salarié de l'entreprise (CA Aix-en-Provence 10-1-2020 n° 17/04358, Sté Medline international France c/ D.).
Fait pour un employé de commissariat hôtelier agent de laverie d’avoir soustrait plus de 100 articles appartenant à des compagnies aériennes clientes, dont plus d'une trentaine de petites bouteilles d'alcool. Toutefois, au regard de son ancienneté de plus de 15 ans et de l'absence de tout antécédent disciplinaire, ces faits ne rendaient pas impossible son maintien dans l'entreprise (CA Paris 6-2-2020 n°18/03063, M. c/ Sté Servair).
Steward ayant manqué à ses obligations professionnelles et porté atteinte à l'image de la compagnie aérienne en ayant soustrait le portefeuille d'un client d'un hôtel partenaire dans lequel il séjournait le temps d’une escale en tant que membre d'équipage, avant de reprendre ses fonctions. Ces faits de vol, pour lesquels la victime n’avait pas porté plainte en raison de l’intervention de la compagnie aérienne qui avait été alertée par l’hôtel, se rattachaient à la vie professionnelle du salarié (Cass. soc. 8-7-2020 n° 18-18.317 FS-PB, R. c/ Sté Air France).
Monteur électricien qui, tout en ayant adopté une attitude irrespectueuse et menaçante envers sa hiérarchie, a reconnu avoir détourné des biens de l’entreprise (en l’espèce, des couronnes de câble informatique entreposées sur un chantier) à des fins d'enrichissement personnel. La faute lourde n’a pas été retenue, l’intention de nuire, qui ne résulte pas de la nature des faits reprochés ou de leur caractère préjudiciable pour l'employeur, n’étant pas démontrée en l’espèce (CA Montpellier 12-2-2020 n° 16/05116, Sté Somiteg c/ G.).
Salarié détournant du matériel appartenant à l’entreprise, soit 40 traverses de chemin de fer usagées. Le fait qu’il ait restitué ce matériel après avoir eu connaissance de ce que l’entreprise souhaitait obtenir de sa part des explications n’efface pas la faute reprochée (CA Nancy 28-5-2020 n° 19/01196, F. c/ Sté des carrières de l’est).
Assistant d’achat ayant accepté personnellement des cadeaux d’un montant important d’un fournisseur, à deux reprises et en totale discrétion, en méconnaissance des règles déontologiques en vigueur au sein de la société. L’évaluation professionnelle globalement positive du salarié et son ancienneté ne pouvaient justifier ce manquement à l’obligation de loyauté envers l’employeur (CA Angers 29-5-2020 n° 18/00395, Sté Howmet Ciral c/ M.).
Utilisation abusive des biens de l’entreprise
Responsable des équipages en vol d’une compagnie aérienne ayant créé un trouble objectif dans l’entreprise en utilisant les facilités de transport accordées par son employeur pour convoyer des personnes impliquées dans un réseau de prostitution. Il importait peu que le salarié, non impliqué dans ledit réseau, ait été relaxé sur le plan pénal. En effet, l'affaire de proxénétisme dans laquelle étaient impliquées certaines des personnes ainsi transportées avait été citée par des médias nationaux et internationaux, lesquels l'avaient systématiquement titrée en lien avec le nom de la compagnie aérienne et avec les fonctions du salarié, certains illustrant les propos par l'image d'un avion de la société (CA Paris 29-1-2020 n° 17/07776, D. c/ Sté Air France).
Directeur général ayant utilisé des salariés et des outils de la société pour un travail exécuté au profit d'un tiers, et ce dans son seul intérêt personnel, se faisant rémunérer en espèces pour les services rendus. Ces faits sont à eux seuls constitutifs d'une faute grave, sans pour autant constituer une faute lourde, l'intention de nuire du salarié n'étant pas établie (CA Bordeaux 20-5-2020 n° 17/01014, F. c/ Sté Jean Gautreau).    
Utilisation par un salarié du badge de télépéage d’autoroute et du véhicule de service de l’entreprise à des fins personnelles et sur plusieurs années, notamment pendant ses congés (CA Chambéry 9-4-2020 n° 19/00206, Sté Voyages Crolard c/ E.).    
Connexions longues et quotidiennes d’un salarié à internet sur des sites extraprofessionnels pendant son temps de travail (CA Aix-en-Provence 14-2-2020 n° 17/02854, Sté Les maîtres vignerons de Vidauban la Vidaubanaise c/ A.).      
Utilisation répétée par un salarié, pour un usage personnel, du service de taxi que lui fournit son employeur pour l'exercice de son activité professionnelle. En l’espèce, l’utilisation du service de taxi visait 42 courses en taxi sur une période de 22 mois pour un montant d’environ 2 000 € (CA Versailles 20-8-2020 n° 18/03416, C. c/ Sté Gilead Sciences).    
Utilisation abusive, par un responsable des ressources humaines, à 189 reprises et pour un montant global de 1.142,36 €, de la carte de restauration interentreprises « invité » appartenant à l'employeur aux lieu et place de sa carte personnelle de restauration et ce, sans l'accord de la direction (CA Paris 30-9-2020 n° 18/07649, N. c/ Sté NGI Healthcare It).      
Injures – menaces – violences
Salarié ayant porté 3 coups de poing sur le bras d'un de ses collègues, effectué un geste d'étranglement avec main sur la gorge en serrant, et proféré des insultes à l’encontre de collègues (CA Montpellier 18-12-2019 n° 16/01768, M. c/ Caisse d’allocations familiales).      
Salarié commettant des violences sur ses collègues sur son lieu de travail. Ce fait justifie son licenciement pour faute grave même si les plaintes des salariés victimes ont été classées sans suite (CA Rennes 29-5-2020 n° 18/00524, Sté Elior services propreté et santé c/ M.).      
Fait pour un cadre d’utiliser des surnoms désobligeants voire insultants pour désigner ses collègues et supérieur hiérarchique (CA Nîmes 11-2-2020 n° 17/04697, L. c/ Sté Progress).    
Propos outranciers exprimés par un salarié à l’endroit de sa hiérarchie dans un contexte conflictuel généré par l'employeur. En l’espèce, celui-ci avait manqué à son obligation d'exécuter le contrat de travail de bonne foi et ce, s'agissant de la rémunération qui constitue un élément essentiel dudit contrat (CA Amiens 12-3-2020 n° 18/00268, Sté Office dépôt France c/ D.).  
Comportement du salarié
Fait pour un professeur de lycée d’avoir autorisé des élèves à fumer des produits stupéfiants dans l’enceinte de l’établissement et d’être allé jusqu’à leur préciser qu’ils pouvaient fumer devant lui en prenant garde toutefois à ne pas être vus par d’autres professeurs (CA Besançon 20-12-2019 n° 18/01950, Association groupe scolaire Lasalle Levier c/ S.).    
Agent de sécurité ayant apporté un narguilé sur son lieu de travail pour fumer pendant son temps de pause dans un espace dédié à l’extérieur (CA Versailles 19-12-2019 n° 17/04033, Sté Korporate c/ J.).  
Formateur ayant adopté un comportement déplacé à l’égard de stagiaires, caractérisé par les faits suivants : questions déplacées sur leur vie intime, propos humiliants et offensants à connotation sexuelle, gestes et attitudes déplacés ayant consisté à caresser le haut de la cuisse d’une stagiaire, à prendre une stagiaire par le bras dans la rue en chantant des chansons grivoises, prendre la main d’une autre et l’embrasser, appels téléphoniques à une stagiaire sur son téléphone privé sans motifs professionnels et photographies des stagiaires à leur insu. La faute grave n’a pas été retenue en raison de circonstances atténuantes, telles que, notamment, l’absence de remarque de sa hiérarchie et de plaintes de ses stagiaires ou collaborateurs des deux sexes pendant 14 ans et son professionnalisme (CA Versailles 19-12-2019 n° 18/05078, Sté Renault c/ D.).  
Salarié justifiant de 7 ans d’ancienneté et sans passé disciplinaire ayant tenu à l’encontre d’une collègue de travail des propos dégradants à caractère sexuel (Cass. soc. 27-5-2020 n° 18-21.877 F-D, Sté Octapharma c/ F.).  
Technicien ayant mis en place, à l’insu de ses collègues de travail et sans autorisation, une caméra dans les locaux de l’administration pénitentiaire (Cass. soc. 5-2-2020 n° 19-10.154 F-D, A. c/ Sté Idex énergies).  
Assistant commercial ayant créé et maintenu un climat de tension et de suspicion, de nature à créer des dysfonctionnements importants au sein de l’établissement, caractérisés par les faits suivants : altercations avec les autres membres de l’équipe, dénonciations multiples effectuées à ses supérieures hiérarchiques et allant à l’encontre de ses collèges de travail et enfin, non divulgation de certaines informations capitales dans le but d’entraver la réalisation correcte des missions de ses collègues (CA Toulouse 20-12-2019 n° 2019/763, B. c/ Sté Cabinet Bedin immobilier).  
Management inadapté d’un responsable administratif caractérisé par des remarques déplacées, un discours dévalorisant, des propos racistes, une mauvaise humeur permanente et des actes d'intimidation à destination de son équipe, soit un ensemble de faits causant des risques psycho sociaux que l’employeur doit sanctionner conformément à son obligation d’assurer la protection de la santé de ses salariés (CA Bordeaux 22-4-2020 n°18/00969, Sté Undiz c/ A.).  
Animateur d’équipe ayant adopté un comportement irrespectueux et tenu des propos déplacés à l’encontre de certains salariés de l’entreprise ou mis à disposition, caractérisés par des remarques portant sur leur vie privée, leur orientation sexuelle, leur aspect physique et certaines allusions à connotation sexuelle, tels que « tu étais sportive, donc tu n’as pas de cellulite, toi », « tu dois peser entre 47/48 kg et quand je serai sûr des mensurations, tu seras aussi étonnée, « les filles par chez toi, elles portent aussi des strings ». De tels faits, de par leur gravité et leur caractère réitéré, ne pouvaient être excusés par l’ambiance bon enfant au sein de l’entreprise (CA Rennes 20-12-2019 n° 17/06440, P. c/ Sté Mix Buffet).  
Fait pour une assistante dentaire de s’être emportée contre son employeur et de l’avoir traité de menteur. La cause réelle et sérieuse n’a pas été retenue au regard de son ancienneté (plus de 7 ans) et de l’absence de sanction disciplinaire préalable (CA Versailles 23-4-2020 n° 18/02616, H. c/ Sté Docteur M.).  
Le comportement d’un téléconseiller ayant fait parvenir une photo de ses parties intimes assortie d’insultes à ses collègues justifie son licenciement pour faute grave, même si le message a été envoyé en dehors du temps et du lieu de travail (CA Aix-en-Provence 20-12-2019 n° 17/06193, D. c/ Sté Alta Etic).  
Fait pour un salarié étranger de ne pas justifier du renouvellement de son titre de séjour l’autorisant à travailler sur le territoire national, malgré les demandes de son employeur, tout en continuant à se présenter sur les chantiers pour y travailler (CA Orléans 30-7-2020 n° 17/03271, Sté Ecologie construction déconstruction c/ T.).