Tenue des registres et procès-verbaux
par voie dématérialisée


Les sociétés ont-elles effectivement eu recours à la dématérialisation des registres et procès-verbaux ?

A ma connaissance non car il restait, jusqu’à fin 2020, un obstacle de nature fiscale pour que les sociétés puissent effectivement y avoir recours.

En effet, certaines opérations comme la prorogation, la transformation, la dissolution d’une société ou encore la réduction ou l’augmentation  de son capital étaient, jusqu’en 2020, toutes assujetties obligatoirement à l’enregistrement (CGI art. 635, 1-5o).

Or, jusqu’à la loi de finances pour 2021 (Loi 2020-1721 du 29-12-2020), l’article 658 du CGI prévoyait que la formalité de l’enregistrement était donnée sur les originaux des actes sous signature privée qui y étaient soumis. L’écrit revêtait la qualité d’original dès lors qu’il était signé par les parties, un acte signé électroniquement réimprimé n’étant pas considéré comme un original… à moins que l’ensemble des signataires de l’acte original contresigne la copie.

Pendant la première période de confinement, au printemps dernier, certaines recettes des impôts ont accepté de retenir comme date de dépôt d’un procès-verbal la date à laquelle ce dernier leur était adressé par voie électronique dans l’attente de l’original. Mais cette flexibilité était temporaire.

En 2019, une sénatrice a attiré l’attention du ministre de l’action et des comptes publics sur l’utilisation par l’administration de la signature électronique. Elle souhaitait connaître la position du ministre sur la possibilité d’enregistrer au- près de l’administration fiscale les actes signés électroniquement.

Pour mémoire,  l’administration  fiscale accepte les actes signés électronique- ment pour les déclarations de revenus ou de TVA. Pour les entreprises contractant avec l’Etat, la facturation électronique est par ailleurs devenue obligatoire.

Néanmoins, la sénatrice relevait que,

« de façon fort surprenante et à rebours de cet élan de modernisation, l’administration fiscale refuse toujours les actes soumis à droits d’enregistrement signés électroniquement. Ces droits […] concernent un très grand nombre d’actes, à la fois notariés (comme les transferts de propriété immobilière ou les successions) et sous seing privé (comme les cessions de parts ou d’actions de sociétés, ou les cessions de fonds de commerce). Certains actes font l’objet d’une obligation d’enregistrement (cessions d’actions, de parts sociales ou de fonds de commerce) et d’autres peuvent être librement enregistrés pour leur donner date certaine et accroître leur force probante ».

Le ministre a indiqué dans sa réponse que, « consciente de l’enjeu de la dématérialisation de l’enregistrement des déclarations et des actes, l’administration fiscale travaille depuis 2018 sur le projet e-enregistrement » (Rép. Renaud- Garabedian : Sén. 6-6-2019 no 09344).

Première étape visant à mettre en œuvre cette réforme, l’article 150 de la loi de finances pour 2020 (Loi 2019-1479 du 28-12-2019) a confié au pouvoir réglementaire le soin de déterminer les déclarations devant être souscrites par voie électronique ainsi que les impositions devant faire l’objet d’un paiement par voie électronique, au moyen d’un télé service mis à disposition par l’administration depuis une plateforme dédiée. Le décret 2020-772 du 24 juin 2020 a précisé qu’en matière de droits d’enregistrement sont concernées par cette obligation les déclarations de dons manuels (CGI art. 635 A), de cessions de droits sociaux (CGI art. 639 et 640 A), de dons de sommes d’argent (CGI art. 790 G) et de succession (CGI art. 800).

Toutefois, rien n’avait été prévu en ce qui concerne les opérations constatées par des procès-verbaux présentés à la recette des impôts.

Une nouvelle étape décisive a été franchie avec la loi de finances pour 2021. On se souvient que, par la loi de finances pour 2019, le législateur avait rendu gratuit l’enregistrement de certains actes de la vie des sociétés à compter de 2019 (Loi 2018-1317 du 28-12-2018 art. 26).

Et l’article 67 de la loi de finances pour 2021 a supprimé, à compter du 1er janvier 2021, l’enregistrement obligatoire des actes constatant certaines modifications du capital social (amortissement ou réduction de capital, augmentations de capital en numéraire et par incorporation de bénéfices, de réserves ou de provisions et augmentations nettes de capital de société à capital variable constatées à la clôture d’un exercice). Les actes constatant les autres augmentations de capital (par exemple, celles résultant d’une fusion ou d’un apport en nature) demeurent toutefois soumis à la formalité d’enregistrement. Néanmoins, l’article 157 de la loi de finances pour 2021 a modifié l’article 658 du CGI, lequel autorise désormais l’accomplissement de la formalité d’enregistrement sur une copie des actes sous signature privée signés électroniquement, à l’exception des promesses unilatérales de vente mentionnées à l’article 1589-2 du Code civil. En d’autres termes, toutes les décisions sociales soumises à la formalité de l’enregistrement peuvent être réalisées en utilisant un procès-verbal dématérialisé. Ainsi, depuis quelques jours seulement, les sociétés peuvent effectivement opter pour la dématérialisation des procès-verbaux et des registres puisque le dernier obstacle à la généralisation de la numérisation des procès-verbaux vient d’être levé.